Construction illicite et indemnité d’expropriation

13 Fév 2024 | Droit de l'expropriation

Dans le cadre de la fixation d’une indemnité d’expropriation, la présence de constructions irrégulières impacte-t-elle la valeur du terrain ?

Oui, notamment dans la mesure où la prescription de l’action en démolition des constructions irrégulières n’empêche pas le juge de l’expropriation d’appliquer un abattement sur la valeur du terrain en raison de l’illicéité d’une partie des constructions qui y sont édifiées.

Dans cette affaire, les propriétaires en indivision d’une parcelle grevée d’un emplacement réservé pour l’extension d’un cimetière ont exercé leur droit de délaissement. Faute d’accord des parties sur le prix du bien délaissé, la commune a saisi le juge de l’expropriation aux fins qu’il ordonne le transfert de propriété et fixe le prix de cession.

Au stade de l’appel, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu, sur la base d’un rapport d’expertise, qu’une partie substantielle des constructions érigées sur le terrain n’était pas conforme au permis de construire initialement obtenu en 1985. A partir de ce constat, la cour a conclu que la présence de constructions irrégulières justifiait une moins-value du terrain, en l’occurrence par l’application d’un abattement pour illicéité des constructions.

Au stade du pourvoi, la cour de cassation confirme cette interprétation.

Cette décision est d’autant plus notable qu’elle affirme que la prescription de l’action en démolition des constructions irrégulières n’empêche pas l’application d’un abattement pour illicéité des constructions, et ce dès lors que l’irrégularité des constructions est établie.

Cette jurisprudence clarifie ainsi le traitement des constructions irrégulières dans le cadre des procédures d’expropriation, en soulignant que leur présence peut avoir un impact sur la valeur du terrain, et ce même si l’action en démolition est prescrite.

Il convient néanmoins de relever qu’il s’agit d’une simple faculté offerte au juge de l’expropriation et que cette dernière est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond.

La preuve de l’illicéité d’une construction et son incidence peuvent donc toujours être débattues.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 9 novembre 2023, n°22-18.545, Publié au bulletin

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