L’exécution de travaux sur une ICPE permet-elle de justifier l’urgence à suspendre l’autorisation environnementale afférente ?
Non.
Par arrêté du 4 avril 2023, le préfet de la Moselle a autorisé la société Solucane à exploiter une plateforme de transit de déchets sur le territoire de la commune de Phalsbourg.
Une association locale (Phalsbourg Bien Vivre) et plusieurs voisins mécontents ont donc saisi le Tribunal administratif de Strasbourg pour obtenir la suspension de ladite autorisation.
Suspension ordonnée aux motifs des risques pour la sécurité et des atteintes à la commodité du voisinage susceptibles d’être causés par les travaux de construction de la plateforme de transit litigieuse.
Suite aux pourvois du bénéficiaire et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le Conseil d’État :
Rappelle que les effets de l’autorisation environnementale (AE) sont distincts de ceux du permis de construire (PC) les équipements nécessaires à l’ICPE autorisée ;
Retient donc que la condition d’urgence est indifférente au fait que la délivrance de l’AE conditionne la mise en œuvre du PC afférent (L. 425-14 du code de l’urbanisme) ;
Et conclut ainsi que les risques et nuisances des travaux ne peuvent justifier l’urgence à suspendre l’exécution de l’autorisation environnementale en litige.
Partant, le juge des référés du Tribunal a commis une erreur de droit en retenant que l’imminence des travaux autorisés par le PC justifiait l’urgence à suspendre l’AE.
Enfin, en l’espèce, le fait que la mise en service de l’ICPE n’interviendra pas avant le mois de juillet 2024 justifie le rejet de la requête pour défaut d’urgence.
Outre le sacro-saint principe d’indépendance des législations, cette décision à le mérite de rappeler que l’urgence s’apprécie par rapport aux seuls effets de la décision contestée.
Ceci étant dit, en l’occurrence en cas de doute sérieux quant à la légalité, les intéressés pourraient éventuellement tenter de :
Solliciter la suspension du permis de construire (présomption d’urgence), à condition d’être encore dans les délais (PC du 27 janvier 2023, aïe ?) ;
Solliciter de nouveau la suspension de l’autorisation environnementale à compter de sa mise en service (à condition toutefois de démontrer que cette ICPE est susceptible, par elle-même, de porter atteinte, de manière grave et immédiate, à leur situation ou aux intérêts qu’ils défendent, aïe aïe ?).
Suite (et fin) au prochain épisode ?
Référence : Conseil d’Etat, 6/5 CR, 16 février 2024, n°479822, Inédit